Entretien avec Alain Ayroles

Fin du XVe siècle. L’arrivée de Messire Richard au Groenland ne fait que confirmer ses soupçons : « le monde a bel et bien un trou du cul ». C’est ici, dans une communauté isolée, que les derniers descendants des Vikings luttent pour survivre, minés par la faim, la superstition et la désespérance.
Pourtant, c’est sur cette île, connue sous le nom idyllique mais trompeur de « terre verte », que cet homme sans foi ni loi a choisi de tenter de refaire sa vie, toujours mû par une soif de pouvoir…

Le scénariste Alain Ayroles (« De cape et de crocs », « Les Indes fourbes »…) nous livre avec « La Terre verte » un grand récit au souffle glacial, dessiné par Hervé Tanquerelle.


Le déclic du récit
« J’ai trouvé ça très intéressant de raconter une histoire de conquête du pouvoir dans un endroit, qui à priori, ne représente aucun enjeu, n’a pas vraiment d’intérêt en soi. »

Dans une précédente bande dessinée, Les Indes Fourbes, réalisée avec Juanjo Guarnido, Alain Ayroles avait envisagé de faire revivre le personnage de Don Quichotte, ce qui n’a finalement pas abouti. Avec La Terre verte, c’est un autre personnage mythique de la littérature qui réssucite sous sa plume et celle d’Hervé Tanquerelle : Richard III.
Réssusciter Richard III
« Richard III est un personnage qui a existé . Mais ce n’est pas le personnage historique qui m’intéressait, c’était le personnage shakespearien. »

Un vrai méchant
« Ce qui est fascinant dans la pièce de Shakespeare c’est que le personnage de Richard III est absolument antipathique, et c’est un vrai méchant. Il est odieux, il est cruel, il est fourbe, il est calculateur, manipulateur, il n’a aucun scrupule. Et pourtant Shakespeare arrive à lui donner une certaine humanité. »

Une vraie gentille
« Pour pouvoir mettre en valeur un méchant, il faut quand même un minimum de gentils autour de lui, sinon il est noyé dans la masse. Je voulais aussi montrer comment face à ce genre de personnalité terrible, comment des gens plus bénéfiques peuvent tirer leur épingle du jeu. »

Inspiration divine
“Le personnage de Matthias, le moine, devient évêque du Groenland. C’est un des rares personnages historiques de ce récit. On sait très peu de choses de lui et on sait très peu de choses en général de cette colonie viking du Groenland. Mais on sait qu’en 1492 le pape de l’époque se rend compte qu’ il y a un évêché au Groenland. Et cet évêché n’a pas été pourvu depuis au moins 100 ans. Donc il nomme un moine danois du nom de Matthias Knutsson évêque du Groenland.”

Montrer la violence
« Il n’y a pas de violence gratuite. Cette violence sert le récit, sert le propos. Elle devait être à la fois choquante, efficace, mais jamais complaisante. »

Des dialogues forts et des scènes muettes qui laissent sans voix
« Comme j’avais l’ambition de donner une tonalité shakespearienne au récit, il fallait que je porte une attention particulière aux dialogues. Il fallait que ces dialogues soient théâtraux, mais qu’en même temps ils restent vivants. Parce que quand on lit du Shakespeare, c’est assez fascinant, parce que c’est des phrases très ampoulées, avec des métaphores et des phrases qui ont des ramifications à n’en plus finir. Et pourtant ça reste fluide, ça reste direct, ça reste vivant. »

Le dessinateur Hervé Tanquerelle
« Très vite, le nom s’est imposé pour plusieurs raisons. D’abord, c’est quelqu’un dont j’admire le travail. Je suis son travail depuis longtemps, et j’avais été frappé par son travail sur ‘Le dernier Atlas » qui m’avait beaucoup impressionné. Je savais que ce serait un style de dessin qui correspondrait tout à fait à cette histoire. »

Dessiner Richard III
« Il a très vite réussi à le caractériser, à le typer et à lui donner déjà visuellement ce charisme qui était très important. Il est bossu, il est boiteux, et là aussi, ça demandait beaucoup de boulot à Hervé pour arriver à le camper. »

‘La terre verte’. Alain Ayroles, Hervé Tanquerelle. Delcourt